Module 1 |
1.2. Approche économique du développement durable
A- De la croissance à un développement durable
1- Une Croissance nécessaire au développement mais pas suffisante
Comme nous avons pu le voir dans la partie historique pendant très longtemps seule la croissance est au cœur des préoccupations à la fois des sociétés et des économistes.
En effet dès la fin du 18ème siècle des fondateurs de la discipline comme Adam Smith ou David Ricardo (Pères du libéralisme) vont chercher à isoler les déterminants de la croissance (le libre-échange selon eux et la division du travail comme source de productivité pour Adam Smith) sans se soucier de son impact que ce soit sur le plan environnementale ou sociétal. Cette logique avant tout quantitative va se poursuivre pendant deux siècles même si dès la seconde moitié du 20ème siècle Karl Marx mettra en avant les limites de la recherche du profit pour certaines catégories sociales. Ce n’est qu’au cours des années 80 que le paradigme évolue et où on commence à prendre conscience qu’un développement suppose aussi de prendre en considération des aspects plus qualitatifs liés au bien-être de la population : des pays peuvent voir leur croissance s’élever sans que pour autant la majorité de la population en bénéficie et parfois cette croissance peut se faire au détriment de certaines catégories (notamment les plus défavorisées) avec un accroissement des inégalités et des détériorations environnementales dont les populations les plus modestes sont souvent les premières victimes. En 1991, le PNUD (programme des nations unies pour la développement) propose un nouvel indicateur qui prendra en compte d’autres dimensions que celle de la simple croissance comme le fait le PIB. Ainsi, l’IDH est né avec pour objectif de prendre en compte différentes dimensions aussi bien quantitatives que qualitatives puisque c’est un indicateur composite de trois variables :
2- La nécessité d’une croissance soutenable : le développement durable
On va aussi progressivement aller au-delà de la simple notion de développement pour arriver à se poser la question d’une croissance soutenable qui permettrait un développement durable. Ainsi, sur le plan économique on peut opposer :
Par conséquent, dès le Rapport Meadows certains adoptent une positions radicale favorable à une croissance zéro voire une décroissance. Cette position ainsi que ses limites sont présentées dans cette capsule vidéo. On voit donc bien que cette position suppose un changement considéré par beaucoup comme trop radical pour nos sociétés développées et des sacrifices qui pourraient sembler injustes pour les pays en voie de développement (stopper leur croissance alors même que la plupart des dégradations écologiques ne sont pas. Par ailleurs, les opposant à la décroissance mettent en avant le fait qu’elle serait coûteuse en emplois ce qui est un sacrifice inconcevable dans des pays touchés par le chômage de masse. Finalement, cette approche semble vouloir inverser la tendance.
La prise de conscience est notamment évidente lors du Sommet de Johannesburg lors duquel Jacques Chirac, président de la république Française à l’époque déclare « Notre maison brûle et nous regardons ailleurs ». Le degré de soutenabilité peut varier (cf. 2.2 : soutenabilité faible vs soutenabilité forte) mais sur le plan économique cela suppose une croissance viable prenant en compte l’empreinte écologique des activités notamment industrielles. Cependant, cette prise de conscience ne suffit pas pour un passage aux actes significatif et c’est notamment dû aux enjeux économiques que nous allons aborder. B- Les enjeux économiques
1- L’impact écologique de nos modes de production et l’impact économique des dégradations environnementales et sociétales
La croissance infinie dans un monde fini est impossible[1]. En effet, la production de richesses en quantités toujours plus importantes, suppose des prélèvements sur le capital naturel qui est loin d'être un stock inépuisable. Ainsi notre modèle de croissance économique et la pression démographique portent des atteintes majeures à l'environnement et ce à plusieurs niveaux :
La croissance économique est aussi génératrice d’externalités négatives sur l’environnement (externalités négatives = conséquences négatives que l’activité d’un agent A entraîne sur celle d’un agent B sans qu’il y est entre eux d’échange marchand, de compensation financière : ex : une usine dont la production pollue les nappes phréatiques est source d’externalités négatives pour la population installée aux alentours et notamment les producteurs agricoles). Elle a été jusqu’ici essentiellement basée sur l’utilisation d’énergies fossiles dont la combustion émet des GES (gaz à effet de serre) qui sont à l’origine du réchauffement climatique. Si ces émissions sont actuellement plus importantes pour les PD, les pays émergents prennent une part croissante dans le réchauffement climatique étant donné les forts taux de croissance qu’ils connaissent. La croissance est aussi génératrice de nombreux déchets (ménagers, industriels…) due à la hausse permanente de la consommation et à l’obsolescence de plus en plus rapide des produits. Ces conséquences néfastes sur la dimension environnementale ont à leur tour un impact négatif sur le plan économique. Ainsi on peut en recenser quelques-uns :
Ainsi, on voit dans cette représentation classique de la courbe que si la pollution augmente dans un premier temps avec l’enrichissement des nations, elle finit par diminuer après avoir atteint un certain niveau de développement : l’investissement dans le progrès technique et une attention plus soutenue de la population aux préoccupation écologiques expliquent cela. Malgré la nuance apportée par cette courbe sur le plan théorique, on note empiriquement plutôt un accroissement de la pollution à l’échelle mondiale : les quelques effets positifs liés à la croissance sont peu visibles face aux nombreuses externalités négatives. ____________________________ [1] « Celui qui croit qu’une croissance infinie peut continuer indéfiniment dans un monde fini est un fou ou un économiste » Kenneth Boulding 2- Développement durable, compétitivité et harmonisation
S’il est si difficile de trouver un accord entre pays concernant la question du développement durable et qu’il est encore plus compliqué de l’appliquer, c’est bien parce que cela suppose non seulement une évolution des modes de vie mais aussi certains sacrifices sur le plan économique. En effet sans aller jusqu’à la décroissance, il semble acté que nous ne pouvons assurer un développement soutenable tout en restant sur nos modes de production actuels. Or en la matière on peut parler de tragédie des biens communs (Garett Hardin, 1968) avec un conflit entre l’intérêt individuel de chaque pays et l’intérêt collectif. Ainsi, si la majorité des pays admettent qu’il faille faire des efforts ne serait-ce que sur le plan écologique, ils n’oublient pas que sur le plan individuel ils ont tout intérêt à adopter une stratégie de passager clandestin (profiter des avantages d’une situation sans en subir les coûts) en laissant leurs voisins faire les efforts nécessaires sans sacrifier de leur côté en matière de compétitivité donc de croissance.
En effet, il ne faut pas oublier que dans le cadre mondialisé dans lequel nous sommes, imposer des normes écologiques et/ou sociales c’est impacter négativement la compétitivité des entreprises en alourdissant leurs coûts de production : par exemple lorsqu’on impose une norme environnementale cela oblige les entreprises à changer une partie de leur facteur capital (les machines) ce qui accroît leurs coûts de production. De la même façon, une augmentation de la fiscalité pour assurer une meilleure redistribution des revenus et donc une plus grande égalité, revient à alourdir le coût du facteur travail donc à diminuer la compétitivité-prix des entreprises à l’international. Enfin, se pose aussi la question de la répartition équitable de l’effort à faire. Les dirigeants des PED mettent souvent l’accent sur le fait qu’on ne peut leur demander les mêmes efforts que les pays développés dont la responsabilité dans l’état actuel est bien plus grande. De leur côté certains pays développés mettent l’accent sur la concurrence déloyale que cela engendrerait : leurs entreprises déjà durement touchées dans certains secteurs par la concurrence des pays émergents le seraient encore plus si on leur impose des normes que les sociétés des PED n’ont pas respecté. Ils craignent notamment des délocalisations vers ces pays-là pour échapper aux normes environnementales et sociales et donc des pertes d’emplois. On voit donc bien que d’un point de vue économique la problématique du développement durable est complexe : s’il est généralement admis que des efforts sont nécessaires au regard des conséquences notamment économiques d’un développement non durable, la question de l’intensité et surtout de la répartition de ses efforts se pose. Un développement soutenable suppose en effet une harmonisation internationale pour être effectif ce qui est particulièrement difficile à obtenir malgré les accords récents. En effet, malgré un accord donné en septembre 2016 (sous l’administration de B. Obama), les Etats-Unis ont déclaré leur retrait de l’accord de Paris (COP 21) en juin 2017 (sous l’administration de D. Trump). Or comme cela a été le cas après leur refus de ratifier l’accord de protocole (refus sous l’administration de GW Bush après la signature de l’accord par B. Clinton), ce retrait d’un des deux plus gros pollueurs au monde risque d’en limiter l’impact. A retenir ...
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