Module 2
2.1 Soutenabilité forte ou soutenabilité faible ? 2.2 Les acteurs du Développement durable 2.3 Les outils du développement durable 2.4 La gouvernance du Développement durable |
2.4. La gouvernance du Développement durable
2.4.1 Définition de la Gouvernance
Dans le domaine du développement durable, la gouvernance est entendue comme l’«action de gouverner et de gérer en adoptant un « décentrement » de la prise de décision (multiplication des lieux et des acteurs impliqués dans la préparation de cette décision) »[1]. 2.4.2.Une évolution dans le concept et dans la forme Cette notion de gouvernance est apparue au niveau international en même temps que les premières préoccupations en matière d’environnement (1972, Conférence sur l’homme et l’environnement, Stockholm, Suède), avec la création du Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE, 1972). En effet, le développement durable suppose comme on l’a vu l’implication de multiples acteurs qui doivent harmoniser leurs actions : par exemple la pollution n’ayant pas de frontière, l’investissement d’un seul pays est quasiment inutile. En 1992, la Commission du développement durable (CDD) est créée afin de « d’assurer efficacement le suivi de la Conférence sur l’environnement et le développement [2]». En s’appuyant sur les trois piliers (figure 1) définis lors de cette même conférence de Rio, il est désormais possible de superviser la mise en place d’une coopération entre les différents acteurs concernés par le développement durable. Mais la recherche d’un équilibre entre ces trois aspects du développement durable s’avère infructueuse, la plupart des initiatives et outils mis en place reflétant la prépondérance, chez les différents acteurs, d’un des piliers sur les deux autres, menant ainsi à des solutions déséquilibrées et donc inefficaces. Partant de ce constat, des instances de portée internationale ont vu le jour. En 2012, dans la continuité de la Conférence des Nations Unies sur le développement durable (Conférence de Rio+20), la nécessité d’une régulation auprès et entre les différents acteurs d’une part, et la mise en œuvre concertée d’outils permettant d’accéder à cet équilibre fait émerger une nouvelle approche de la gouvernance. Le Forum politique de haut niveau pour le développement durable remplace la Commission du développement durable (CDD). Ce nouvel organe est chargé du suivi et de l'examen de l'Agenda 2030 pour le développement durable et des Objectifs de développement durable (ODD, 2015) Enfin, créé en 1988, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) est constitué d’experts spécialisés ayant pour mission l’examen des résultats des recherches scientifiques sur le climat, afin d’en référer aux décideurs [3]. Tous ces organes de gouvernance globale sont en liaison avec des interlocuteurs à des niveaux géographiques et organisationnels nationaux, régionaux et territoriaux, et dont le rôle est de trouver et de gérer des déclinaisons efficaces aux dispositifs actés par les différents acteurs de la scène internationale. 2.4.3.Bien gouverner le développement durable : la problématique Le développement durable, concept abordé pour la première fois en 1987 dans le rapport Brundtland (CMED, 1987), porte dans son essence la source même des problématiques rencontrées dans la mise en place de sa gouvernance. Le décentrement dont il est question c’est à dire la « multiplication des lieux et des acteurs impliqués » dans cette gouvernance rend la tâche difficile. Faire coïncider les intérêts de chacun d’une part et trouver des outils et solutions scientifiquement fiables et qui répondent aux spécificités de chaque situation environnementale se révèlent être des défis insurmontables dans un avenir proche, et ce malgré l’urgence de la situation environnementale. Le développement durable, inscrit dans cette double temporalité a donc vu le modèle des trois piliers s’enrichir avec le temps d’un quatrième, puis d’un cinquième pilier [4]. Dans un premier temps, il s’agit d’apporter un prolongement aussi bien qu’une alternative à la gouvernance globale qui peine à mettre en place une organisation à la fois efficace et rapide. Par la dimension culturelle et notamment en ciblant la préservation de la diversité culturelle, le modèle du développement durable se dote d’un mécanisme d’intervention et de gouvernance à l’échelle locale, en soutien à la question sociale qui trouve habituellement un écho à cette même échelle. Dans un second temps, il s’est agi d’inscrire clairement cette problématique de la gouvernance au centre des préoccupations de tous les acteurs et autres organes de régulation et de décision, et plus précisément, de la gouvernance participative : « Sans cela, de nombreux pays en développement, où vit la majorité de la population mondiale, en proie aux sécheresses, aux inondations et à l‘insécurité alimentaire, seront sans doute écartés ou auto-exclus du nouveau modèle de développement. Ce qui mettra en péril toute la transition écologique mondiale.[5] » Samy Badibanga, député congolais 2.4.4.La gouvernance, entre cadre de référence et évaluation La question du développement durable est associée, dès le départ, à une approche normative, en ce sens qu’elle a vocation à apporter des méthodes d’action, selon des critères bien précis, ainsi qu’une aide et des outils nécessaires à la mise en œuvre de ces actions. En 2015, cette démarche a pris la forme d’un dispositif entériné par l’Agenda horizon 2030, adopté par l’ONU après deux ans de négociations : les « objectifs du développement durable[6] » communs à tous les pays engagés, pour les quinze prochaines années. La gouvernance se doit d’avoir également une approche d’évaluation des actions menées d’une part, mais aussi de l’évolution de la situation globale, d’après les critères qu’elle a elle-même posés (voir « les outils du développement durable »). C’est dans ce sens que chacun des dispositifs s’accompagne de la création d’un organe de suivi ayant pour mission de s’assurer de la bonne application des mesures adoptées d’une part, mais également de l’évolution éventuelle à leur donner. Mais bien que de façon implicite, la gouvernance relève avant tout de l’intervention d’instances publiques, elle est également l’affaire du secteur privé, non seulement parce-que celui-ci est largement impliqué dans les situations auxquelles le développement durable tente de remédier, mais aussi et surtout parce qu’il dispose de ressources et de moyens d’actions qui peuvent faire la différence. Les notions de soutenabilité faible et forte abordées précédemment nous ont laissé entrevoir les difficultés à amorcer une démarche d’intégration des aspects environnementaux et sociaux dans les modes de gouvernance classique des entreprises. Cela a soulevé ces dernières années la question de la responsabilité des entreprises face au développement durable, sans que des solutions viables ou du moins satisfaisantes pour ces acteurs ne voient le jour. Mais la volonté affichée par ces entreprises de contribuer à l’effort collectif d’une part et l’analyse de des principaux frein à l’adhésion des autres ont permis aux organes publics de mettre en place des dispositifs d’accompagnement à l’instauration de nouveaux modes de gouvernance dans la sphère économique (RSE et Norme ISO 26000). La gouvernance du développement durable est une notion où se côtoient d’un côté le pragmatisme face à une situation critique bien réelle et de l’autre côté l’éthique d’une gestion publique et privée du développement durable où la transparence et la responsabilité sont les maîtres mots. |